Santé : lorsque le corona nous redressa (Chronique du Professeur Voto)

(Kinshasa, le 22 mars 2020)-Depuis quelques semaines, le Corona virus a imposé sa loi sur notre société, imposant à tous des normes qui hier, étaient difficiles d’appliquer.

Au-delà de la restriction et du confinement, au delà de la morbidité et de la mortalité, le Corona virus est venu redresser certains des comportements déviants qui s’étaient profondément enracinés dans les habitudes, au point que même l’autorité publique était incapable de nous redresser. Et pour mettre tous au pas, le Corona virus a préféré entrer au Congo par le haut, s’attaquant aussi bien aux dirigeants qu’au petit peuple, afin que personne ne fasse exception.

l. LES MEILLEURS SOINS A L’ETRANGER

Le Corona virus nous aura appris qu’il ne sert à rien travailler pour soi, mais plutôt pour la communauté. Nous avions pris l’habitude de nous faire soigner dans des meilleures formations médicales à l’étranger, abandonnant les hôpitaux de l’Etat sans équipements adéquats, sans médicaments. Le personnel délaissé sans rémunération suffisante et parfois sans formation requise.

La dernière scène a été vécue à l’hôpital Général de la capitale qui, il y a trois mois maquait d’un groupe électrogène de secours et des couveuses. C’est un donateur privé qui se présenta pour offrir ces matériels à la principale formation médicale du pays.

On se souviendra de l’image de ces jeunes médecins tabassés comme des malfrats devant l’immeuble du gouvernement par la police alors qu’ils revendiquaient leur prime.

Aujourd’hui, ce sont ces médecins qui vont nous soigner du Corona virus, avec tous les risques. Fini les avions médicalisés, fini les transferts en Suisse aux frais du trésor public, fini le transfert en Inde ou en Afrique du Sud où parfois, les Congolais étaient soignés par des médecins congolais, mis dans des meilleures conditions du travail par leur pays d’accueil.

II. LA BELLE VIE A L’ETRANGER

Nous avions pris l’habitude de penser que la belle vie, c’est à l’étranger. Nous avons vécu sur notre propre terre comme des mercenaires. Le Congo, c’est pour chercher l’argent et aller se la couler douce à l’étranger.

Avec de l’argent gagné parfois sur le dos d’une population chaque jour appauvrie et au déficit de l’Etat, nous avons acheté maisons et appartements à l’étranger pour y installer nos familles, par ce que les maternités congolaises moins équipées n’étaient pas dignes de voir naitre nos enfants, par ce que les écoles que nous avons abandonnées n’étaient plus dignes de recevoir nos enfants.

Nous avons préféré installer nos femmes à l’étranger pour mieux profiter des jeunes congolaises au pays. Et pour entretenir ces différents foyers, nous devrions gagner plus d’argent et à tout prix.

Et du jour au lendemain, Corona virus s’imposa et nous sépara de nos familles qui ne peuvent nous rejoindre et que nous ne pouvons pas non plus rejoindre surtout en ce moment difficile où chacun a besoin des siens. Corona virus nous a rappelé que nous sommes tous égaux, Congolais de haut ou de bas, nous sommes tous vulnerables et nous devons tous aujourd’hui nous présenter devant les mêmes soignants, riches et pauvres, dans les mêmes formations médicales que nous avions négligées hier.

Pourvu qu’après le Corona virus nous comprenions que le Congo, c’est notre patrie et que nous devons tous nous investir pour améliorer les conditions de vie pour tous, car on ne peut mieux vivre que chez soi.

III. LES DEUILS DES FETARDS

Nos deuils étaient devenus des fêtes où l’on venait parader avec ses belles voitures et exhiber ses beaux habits. Et pour faire complet, de la nourriture était même servie aux centaines des participants et pour que le fête soit complète, on servait à boire et la fête pouvait continuer jusque tard.

Tous les bistrots des environs étaient pris d’assaut après l’enterrement. Enterrer un corps était devenu un calvaire pour la famille. Dans une société pourtant appauvrie, enterrer un mort en toute simplicité et intimité familiale était devenu une honte pour la famille qui n’aura pas été capable d’offrir des funérailles grandioses à leur frère. Un nouveau commerce a vu le jour à Kinshasa : des services funéraires qui offraient des salles mortuaires, des corbillards et des services des croques morts à des prix exorbitants.

Des services qui pouvaient aller jusqu’à 10.000$, alors que le défunt n’a peut-être pas bénéficié de 500$ de la famille pour se faire soigner. Des corps prouvaient trainer jusqu’à 15 jours à la morgue, le temps de réunir l’argent de la salle, de la nourriture et de la boisson pour au moins cinq cents personnes.

On s’offrait des mariages avec trois cents invités. Les salles mortuaires se transformaient en salles de fêtes et pour réussir ces réceptions, le jeune époux devrait se débrouiller pour trouver de l’argent qu’il n’a jamais réuni de sa vie, en plus de la dot chaque jour revu à la hausse par les parents des fiancées.

Alors que selon les traditions congolaises au nom desquelles certains voudraient résoudre leur problème de pauvreté, la dot était symbolique.
Beaucoup des couples en sont sortis avec des dettes et la vie devient compliquée après le mariage. Alors qu’ailleurs, un mariage peut se dérouler devant quelques amis et quelques membres de la famille.

Qui pouvait nous raisonner pour arrêter toutes ces hérésies ? Même l’Etat était incapable. Il a fallu que le puissant Corona arrive pour que tous ces rassemblements irrationnels s’arrêtent. Pourvu qu’après Corona, nous tirions les leçons de la vie.

IV. LE TRANSPORT HORS NORMES

Les transports des personnes s’effectuaient à Kinshasa hors des normes acceptables pour des êtres humains. Les bus et autres taxi bus étaient bondés comme si on entassait du bétail. Et personne n’était capable de régler cette situation. Le taxi moto, ce nouveau moyen de transport qui s’est imposé à Kinshasa, faute de mieux, s’effectuait également hors normes. Les motards circulent sans permis de conduire et sans casque, les motos sans plaque d’immatriculation pouvaient transporter jusqu’à quatre passagers et passer sous le nez d’un agent de roulage qui faisait semblant de n’avoir rien vu. Les motos taxis pouvaient transporter toute une famille, avec des enfants à bas âge sur le guidon sans que cela n’offusque personne.

Malgré de nombreux accidents qui ont occasionné des morts d’enfants sous les regards des parents, personne n’était capable d’arrêter ce danger permanent. Tout se résumait à la logique de débrouillardise et de misère qui la justifiait, sans penser à la sécurité humaine.

A plusieurs reprises, l’autorité urbaine et la police ont tenté de mettre de l’ordre dans ce secteur mais ils se sont heurtés à la résistance des motards devenus plus puissants que l’État.

Pourtant, partout ailleurs où les motos font du taxi, cela s’effectue dans le respect de la dignité humaine et de la sécurité des passagers et d’autres usagers de la route.
Il a fallu que le puissant Corona virus arrive pour raisonner tout le monde. Pourvu qu’après Corona, nous ne revenions pas à la situation d’avant.

V. KIN LA POLLUTION SONORE

Malgré la campagne de Kin Bopeto qui obligeait les bars et les églises à régler le décibel, le tintamarre se vivait partout dans Kin, la ville d’ambiance. Aucun quartier de la ville n’était épargné. Même les quartiers jadis dits résidentiels comme Ma Campagne, Limete ou Rigini ont été envahis par les Ngandas, pompant de la musique jusque tard dans la nuit, empêchant les élèves d’étudier le soir ou les voisins de dormir.

Les églises et les bars se rivalisaient en termes de puissances sonores, de jour et de nuit, pour attirer plus du monde. Les policiers chargés d’interpeller les responsables de ces bars et églises préféraient des arrangements au lieu de garantir la quiétude des citoyens. Mais c’était sans compter avec le puissant Corona virus qui peut, du jour au lendemain, faire ordonner la fermeture de tous les bars et toutes les églises.

Pourvu que, après Corona, l’Etat puisse réglementer définitivement l’usage de son par les bars et les églises pour l’intérêt de la population.

VI. L’AUTORITE DE L’ETAT RETABLIE

Sans se rendre compte, les Kinois vivaient dans un environnement pollué, hors normes, insécurisé et immoral. Mais au nom de la survie, nous nous étions adaptés à cet environnement. L’autorité publique était dépassée et n’avait aucun contrôle ni sur la population, ni sur sa police. Aujourd’hui, Corona nous a tous obligés à obéir à l’État. Pourvu qu’après Corona, l’État reprenne définitivement ses prérogatives pour se faire obéir et changer sensiblement notre condition de vie.

 

Professeur Voto

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